Explication linéaire de Les fenêtres de Charles Baudelaire.
Question : Ce poème ne dépasse-t-il pas la simple description picturale d'un objet du quotidien ?
Extrait de l'explication :
« La poésie est comme une peinture » (Horace, poète latin), qui travaille sur les lumières et les contrastes (« ténébreux » / « éclairée, chandelle » : sorte de clair-obscur). Baudelaire plaide implicitement pour une poésie du quotidien et du réel : pour lui, c'est l'observation qui est source de création. À travers l'énumération de réalités simples, il privilégie le quotidien (« presque rien »), mais esthétisé par la mention de la « chandelle », plus poétique que l'éclairage au gaz de l'époque
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La fenêtre prend une valeur symbolique et donne au poème une portée philosophique. Elle est pour Baudelaire :
- un moyen de corriger notre conception habituelle du monde : une fenêtre fermée est plus intéressante qu'une fenêtre ouverte ;
- un moyen de passer de l'extérieur de la réalité à une réalité intérieure, celle de la condition humaine, du mystère des êtres ;
- un moyen de mieux se connaître, de lutter contre le spleen : cette fenêtre, paradoxalement, ouvre aussi sur le monde intérieur du poète, sur son identité (« sentir que je suis et ce que je suis »).
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Les fenêtres » donne du poète une image moins pessimiste que les poèmes du spleen, mal de vivre dévastateur. Ici, le poète est attentif à la misère des autres dans laquelle il trouve un aliment pour sa création mais aussi une force pour mieux se connaître et mieux « vivre » : il se dit « fier », il a été « aidé » par cette expérience. De cette expérience du regard, de ce partage – même lointain – du malheur des autres, il reste un objet poétique, une trace tangible : le poème.
Deux autres poètes après Baudelaire choisiront les fenêtres comme sujet poétique : Mallarmé et Apollinaire, comme l'ont fait de nombreux peintres (Vermeer, Van Gogh, Matisse…).